Différences entre apnées centrales et apnées obstructives

Les troubles respiratoires du sommeil sont un enjeu majeur de santé publique. Parmi eux, l’apnée du sommeil concerne environ 5 à 10 % de la population adulte. Pour en assurer une prise en charge optimale, il est essentiel de bien distinguer les apnées centrales des apnées obstructives, car elles reposent sur des mécanismes physiopathologiques distincts et appellent des traitements spécifiques.

Qu’est-ce que l’apnée obstructive du sommeil ?

Mécanisme physiopathologique

L’apnée obstructive du sommeil se produit lorsqu’un obstacle mécanique bloque partiellement ou totalement les voies aériennes supérieures pendant le sommeil. Le patient continue de faire des efforts respiratoires, mais le passage de l’air est empêché, le plus souvent par un relâchement des muscles du pharynx ou une obstruction nasale ou oro-pharyngée.

Facteurs de risque

  • Surpoids et obésité
  • Syndrome métabolique
  • Anatomie des voies respiratoires (macroglossie, rétrognathie, hypertrophie des amygdales)
  • Tabagisme et consommation d’alcool

Conséquences cliniques

Les micro-éveils répétés et l’hypoxie intermittente altèrent la qualité du sommeil et entraînent :

  • Somnolence diurne excessive
  • Troubles cognitifs
  • Hypertension artérielle
  • Risque cardiovasculaire accru (AVC, infarctus)

Apnée centrale du sommeil : une autre origine

Mécanisme central

Contrairement à l’SAOS, l’apnée centrale (SACS) est due à une absence de commande respiratoire. Le tronc cérébral ne transmet plus, de façon transitoire, le signal nécessaire à la contraction des muscles respiratoires. Résultat : ni effort respiratoire, ni flux aérien.

Principales causes

  • Insuffisance cardiaque chronique (syndrome de Cheyne-Stokes)
  • Médicaments déprimant le système nerveux central (opioïdes, benzodiazépines)
  • Atteinte neurologique (AVC, tumeurs cérébrales)
  • Séquelles de traumatisme crânien

Impact clinique

L’SACS peut passer inaperçue en raison de l’absence de ronflement ou d’agitation. Elle provoque néanmoins :

  • Fatigue persistante
  • Irritabilité
  • Troubles de concentration
  • Aggravation de l’état cardiovasculaire du patient

Diagnostic différentiel : les outils essentiels

L’importance de la polysomnographie

La polysomnographie complète est indispensable pour différencier SAOS et SACS. Elle permet d’observer :

  • La présence ou l’absence d’efforts respiratoires thoraco-abdominaux
  • La saturation en oxygène
  • Les mouvements oculaires, les stades du sommeil et les micro-éveils
  • Un polygraphe ventilatoire peut constituer un premier niveau de dépistage, mais sera insuffisant pour distinguer les formes centrales pures ou mixtes.

Formes mixtes : attention au chevauchement

Certaines apnées commencent de façon centrale et évoluent en apnée obstructive (ou inversement). Ces apnées mixtes nécessitent une analyse experte du tracé polysomnographique pour ne pas induire en erreur le traitement.

Prise en charge : deux stratégies bien distinctes

Apnée obstructive : approche conventionnelle

Le traitement de référence est la PPC (pression positive continue), qui maintient les voies aériennes ouvertes. D’autres solutions peuvent s’envisager :

  • Orthèse d’avancée mandibulaire (en cas de formes légères à modérées)
  • Chirurgie ORL (uvulo-palato-pharyngoplastie, chirurgie nasale)
  • Perte de poids et hygiène de sommeil
  • Un accompagnement par une équipe multidisciplinaire (pneumologue, ORL, diététicien, etc.) est souvent bénéfique.

Apnée centrale : une gestion plus complexe

Le traitement dépend de la cause sous-jacente.

  • Optimisation de l’insuffisance cardiaque (IEC, bêtabloquants)
  • Arrêt ou révision des médicaments dépressifs respiratoires
  • ASV (ventilation servo-adaptée) pour les formes persistantes, en particulier le syndrome de Cheyne-Stokes
  • Suivi régulier par un spécialiste du sommeil

L’usage inadapté de la PPC chez un patient en ACS peut aggraver l’instabilité respiratoire.

Rôle du médecin généraliste et du somnologue

Le médecin généraliste est souvent en première ligne pour identifier les symptômes évocateurs (fatigue diurne, ronflements, HTA résistante…). Il doit penser à orienter rapidement vers un centre du sommeil, notamment en cas de pathologie cardiaque ou neurologique associée.


Le somnologue, quant à lui, est en charge du diagnostic précis, de l’interprétation des examens, et de la mise en place d’un traitement personnalisé.


Apnée centrale ou obstructive ? La différence est bien plus qu’une question de terminologie. Elle conditionne toute la prise en charge thérapeutique et le pronostic à long terme. Une collaboration étroite entre généralistes, cardiologues, pneumologues et spécialistes du sommeil est indispensable pour améliorer la qualité de vie des patients.

Apnée du sommeil et santé cardiaque : un lien à ne pas négliger